Des mesures qui augmentent toujours plus l’exclusion sociale

Par Irène Costelian, Politologue — 3 mars 2016 - Libération
vendredi 4 mars 2016
par  SUD Éduc

Alors que le gouvernement annonçait une baisse du chômage en janvier, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une série de bugs ayant conduit à cette fausse bonne nouvelle, faisant craindre une volonté délibérée du gouvernement de maquiller la crise. Sur fond de déroute, le pays est loin des annonces de nouvelles mesures sociales et les nouvelles dispositions applicables aux demandeurs d’emploi, chaque jour plus nombreux, sont autant de facteurs aggravant la précarisation et l’exclusion sociale. Si jusque récemment on parlait peu du déclassement social, depuis quelques années, la question est devenue centrale et les gouvernements successifs ne semblent pas apporter de solutions pour enrayer cette hausse honteuse de la paupérisation dans le pays.

Bien au contraire, les tentatives d’écarter les citoyens du retour à l’emploi semblent nombreuses. En effet, depuis peu, les demandeurs d’emploi sont confrontés à de nombreuses mesures restreignant leur accès à Pole Emploi et, par là même, au versement des indemnités qu’ils devraient toucher au titre de l’assurance à laquelle ils ont cotisé durant leur période d’activité. Non seulement les agences pour l’emploi ne sont plus ouvertes au public que le matin (sans rendez-vous), ce qui pose un problème réel dans nombre de grandes agglomérations, mais désormais, les nouveaux demandeurs d’emploi ont l’obligation de s’inscrire par Internet.
Il est devenu obligatoire d’être connecté et urbain

Si cette mesure ne choque pas les nombreux citoyens qui y ont accès, elle pénalise bel et bien tous les exclus du numérique, soit parce qu’ils se situent dans l’un des trop nombreux déserts numériques, où aucun opérateur ne propose ses services, soit parce qu’ils n’ont pas les connaissances nécessaires ou les outils pour remplir ces formalités. Si Pôle Emploi propose d’inscrire les nouveaux demandeurs en agence, il est évident que ces démarches sont pénibles et peuvent être vécues comme un frein à la recherche d’emploi, notamment pour les plus fragiles, les moins diplômés et les seniors, d’autant plus que l’agence pour l’emploi n’envoie quasiment plus de courriers et que tout se fait désormais par Internet. Comment faire alors lorsque l’on ne dispose pas de cet outil ou qu’on ne le maîtrise pas ? Il apparaît ainsi que dans notre société, il est devenu obligatoire d’être connecté, urbain. Et tant pis pour ceux qui veulent ou doivent vivre autrement.

Dans une ambiance morose, alors qu’il est question de modifier le code du travail, qui constituait jusque-là une résistance dans un monde globalisé, la question de la précarité et de la culpabilité qu’elle engendre est cruciale. Le gouvernement ne propose pas de réelles mesures pour rendre plus attractive notre économie, les citoyens ne peuvent que constater, impuissants, l’abdication de la classe politique devant le monde de la finance. Cela montre à quel point les valeurs et de la diversité des modes de vie prônées durant les campagnes électorales comptent peu dans le jeu politique, une fois ces dernières achevées.

Au lieu de se focaliser sur des statistiques qui réduisent les citoyens à de simples chiffres il serait plus efficace de trouver rapidement des solutions à l’isolement des sans-emploi et à la précarisation des travailleurs à bas revenus, trop nombreux encore en France et qui, malgré leur emploi, demeurent parmi les pauvres.