Car même les moins avertis comprennent vite ce qui se trame. L’État qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’était posé en arbitre entre le capital et le travail, qui, même s’il avait fait de nombreuses concessions depuis les années 1980, avait veillé à ménager le second, a totalement basculé : il est désormais sans nuance aux côtés du capital. Toute la suite en témoigne : APL, ordonnances sur le travail, réforme du chômage, réforme de la fiscalité, réforme des retraites, démantèlement des services publics… Rien ne doit en réchapper.

C’est qu’il y a dans cette politique une revanche sociale. Tous les acquis sociaux, toutes les lois que les pouvoirs du capital ont dû concéder, du fait notamment de leur faillite morale, après 1945, doivent disparaître. Les dirigeants renouent avec le capitalisme français du XIX^e siècle le plus dur : la France ne reconnaîtra que des années après la Grande-Bretagne et l’Allemagne l’interdiction du travail des enfants, le droit à la retraite, ou l’impôt sur le revenu. Pas étonnant que Karl Marx se soit longuement penché sur l’exemple français et ses violences, comme le relève Romaric Godin, grand exégète de la pensée marxiste.

Ce sont ces mêmes violences qui resurgissent en France face à une majorité de la population opposée à cette rupture du contrat social, à voir l’État devenir le bras armé du capital.
La Guerre sociale en France
Aux sources économiques de la démocratie autoritaire
Romaric Gobin
éd. La Découverte
245 pages, 18 euros