La hiérarchie entre les différents textes

dimanche 9 août 2015
par  SUD Éduc

L’ordonnance

Le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi afin de mettre en œuvre son programme (art. 38 de la Constitution). L’autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. Ces actes sont appelés des ordonnances. Elles ne sont pas inconnues de l’histoire constitutionnelle, car elles existaient déjà sous les IIIe et IVe Républiques sous le nom de décrets-lois.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres et doivent être signées par le président de la République. Une controverse a existé pour savoir si le chef de l’État était obligé de les signer. Le président Mitterrand a, quant à lui, refusé d’en signer plusieurs pendant la première cohabitation (1986-1988).
Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication. Mais un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement. Si ce projet n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances deviennent caduques. Une fois ce projet déposé, soit l’ordonnance est approuvée (ratifiée) par le Parlement et acquiert la valeur de loi, soit elle n’est pas ratifiée et conserve une valeur simplement réglementaire (inférieure à la loi), constituant alors un acte administratif unilatéral.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit une nouveauté. Auparavant, la jurisprudence du Conseil d’État admettait la ratification implicite d’une ordonnance, résultant de sa modification par une loi. Désormais, l’article 38 de la Constitution exige que la ratification soit explicite.
Depuis le début de la Ve République, les gouvernements ont souvent recouru à la procédure des ordonnances pour des sujets très techniques ou des réformes très délicates. On peut ainsi donner l’exemple des « ordonnances Juppé » de 1996 ayant conduit à une importante modification du système de Sécurité sociale français. Le nombre d’ordonnances adoptées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution est toutefois en forte augmentation depuis le début des années 2000. Cette augmentation est en partie liée à la nécessité de mieux assurer la transposition en droit français des directives prises par l’Union européenne.

Le décret

Un décret est un acte réglementaire ou individuel pris par le président de la République ou le Premier ministre dans l’exercice de leurs fonctions respectives. En effet, la plupart des activités politiques et administratives de ces deux autorités se traduisent, sur le plan juridique, par des décrets. Ils constituent des actes administratifs unilatéraux.
Sur le plan de la forme, le décret comporte d’abord des visas, rappelant les textes sur le fondement desquels le décret est pris, et ensuite un dispositif divisé en plusieurs articles, précisant le contenu du décret et ses conséquences juridiques.
La portée des décrets est variable. Ils peuvent être réglementaires, lorsqu’ils posent une règle générale, et s’appliquent ainsi à un nombre indéterminé de personnes, ou individuels, lorsqu’ils ne concernent qu’une ou plusieurs personnes déterminées (ex : décret de nomination d’un haut fonctionnaire).
Les décrets réglementaires sont hiérarchisés entre eux :
les décrets délibérés en Conseil des ministres sont les plus importants et sont signés par le président de la République ;
ensuite, les décrets en Conseil d’État (du Premier ministre), obligatoirement soumis pour avis, avant leur édiction, au Conseil d’État ;
enfin, les décrets simples, eux aussi pris par le Premier ministre, et qui constituent le mode le plus fréquent d’exercice du pouvoir réglementaire.
Les décrets sont publiés au Journal Officiel. Lorsque des procédures d’élaboration exigées par les textes (ex : signature d’un décret pris en Conseil des ministres par le chef de l’État) ne sont pas observées, le décret peut être annulé par le Conseil d’État

L’arrêté

L’arrêté est un acte émanant d’une autorité administrative autre que le président de la République ou le Premier ministre (ces derniers peuvent toutefois recourir aux arrêtés pour organiser leurs services). Il peut s’agir des ministres, des préfets, des maires, des présidents de conseil général ou de conseil régional. Les arrêtés sont des actes administratifs unilatéraux.
Il faut préciser que les arrêtés peuvent avoir plusieurs auteurs. Ainsi, il existe des arrêtés signés par différents ministres lorsqu’ils interviennent dans le champ de compétence de plusieurs départements ministériels. De même, il peut exister des arrêtés signés par plusieurs préfets s’ils concernent différents départements.
Sur le plan de la forme, l’arrêté, comme le décret, comporte à la fois des visas, rappelant les textes qui le fondent, et un dispositif précisant le contenu de l’acte et ses effets juridiques. Ce dispositif se présente en principe, mais ce n’est pas une obligation, en un ou plusieurs articles.
Comme le décret, la portée de l’arrêté peut être variable. Il peut être réglementaire, lorsqu’il pose une règle générale (ex : un arrêté municipal interdisant à toute personne circulant dans une rue d’y stationner), ou individuel (ex : nomination d’un fonctionnaire).
Dans la hiérarchie des normes, l’arrêté est inférieur au décret.

La circulaire

La circulaire est un texte qui permet aux autorités administratives (ministre, recteur, préfet…) d’informer leurs services. Il peut s’agir par exemple de faire passer l’information entre les différents services d’un ministère ou du ministère vers ses services déconcentrés sur le terrain. Ces circulaires peuvent prendre d’autres noms, par exemple « note de service » ou encore « instruction ». On compte chaque année plus de 10 000 circulaires rédigées au sein des différents ministères.
Le plus souvent, la circulaire est prise à l’occasion de la parution d’un texte (loi, décret…) afin de le présenter aux agents qui vont devoir l’appliquer. Mais, la circulaire doit se contenter de l’expliquer, et ne peut rien ajouter au texte.
Le Conseil d’État distinguait traditionnellement :
les « circulaires interprétatives » qui se contentaient de rappeler ou de commenter le texte (loi, décret surtout). Elles ne constituaient pas une décision, puisqu’elles ne créaient pas de règle nouvelle et les administrés ne pouvaient pas les attaquer devant le juge administratif ;
les « circulaires réglementaires » qui ajoutaient des éléments au texte qu’elles devaient seulement commenter et ainsi créaient des règles nouvelles. Les administrés pouvaient alors attaquer ces circulaires devant le juge administratif. Très souvent, elles étaient annulées, car l’autorité qui les avait rédigées pouvait commenter la loi ou le décret, mais n’était nullement compétente pour ajouter à ces textes.
Depuis l’arrêt de section du Conseil d’État Mme Duvignères du 18 décembre 2002, la distinction entre circulaires interprétatives et réglementaires est abandonnée. Le Conseil d’État a fixé, comme nouveau critère de recevabilité pour les recours contre les circulaires, le caractère impératif. Ainsi, toute circulaire dotée de dispositions à caractère impératif est désormais attaquable.
Il faut enfin évoquer un décret du 8 décembre 2008, par lequel a été rendue obligatoire la publication électronique de toutes les circulaires sur un site internet (http://circulaires.legifrance.gouv.fr). Une circulaire qui ne serait pas publiée sur ce site ne peut en aucun cas être opposée aux administrés.

La hiérarchie entre ces différents textes découle de la position institutionnelle de leur auteur.

Si l’ordonnance a été ratifiée, elle a la valeur la plus élevée puisqu’elle a la même valeur qu’une loi. S’agissant des autres textes, plus leur auteur est élevé dans la hiérarchie administrative, plus leur valeur est grande. Ainsi, les décrets l’emportent toujours sur les arrêtés. Les circulaires n’ont pas, en principe, la valeur d’une décision.
Au sein de chaque catégorie, le principe demeure le même. C’est pourquoi un décret délibéré en Conseil des ministres, parce qu’il est signé par le Président de la République, est supérieur aux décrets signés par le Premier ministre. De la même façon, l’arrêté pris par un ministre l’emporte sur un arrêté signé par un préfet, qui lui-même est supérieur à un arrêté municipal.
De cette manière, il ne doit pas, en principe, y avoir de contrariété de décisions, puisque l’autorité supérieure l’emporte. Si par hasard la même autorité prend deux décisions contraires, le principe est que la dernière en date l’emporte.