La crise boursière fragilise les régimes de retraite des Britanniques

mardi 3 mars 2020
par  SUD Éduc

La crise boursière fragilise les régimes de retraite des Britanniques

D’après le Monde,les pertes en Bourse des fonds de pension menacent le niveau des versements ou la durée de cotisation. Seul le régime des fonctionnaires semble aujourd’hui protégé

La crise économique pourrait forcer nombre de salariés anglais en âge de prendre leur retraite à rester actifs plus longtemps. Car la chute de la Bourse et celle de l’immobilier fragilisent l’ensemble du système des retraites britannique.

Elle menace d’abord ceux qui n’ont fait aucune économie et qui devront se contenter de la pension de retraite forfaitaire que verse l’Etat à tous. C’est la grande majorité des 23,8 millions d’actifs britanniques - plus de 60 % -, qui toucheront, dans le meilleur des cas, 560 livres par mois. Certains comptaient sur leur bien immobilier pour arrondir leurs fins de mois, mais la crise immobilière rend aléatoire cette perspective.

La crise boursière inquiète ensuite les quelque 4 millions de Britanniques qui cotisent, chaque mois, à un fonds de pension dit « à contribution définie » que leur propose leur employeur et qui est généralement placé, pour plus de 80 %, en Bourse. Ceux-là ont pris de plein fouet la chute des marchés. Prenons M. Smith, 55 ans, qui gagne 35 000 livres par an. Il se serait bien vu partir à la retraite à 60 ans. Depuis trente-cinq ans, il verse 10 % de son salaire sur le fonds de son entreprise qui, fin août, valorisait ses économies à 320 000 livres, selon les calculs du consultant Killik & Co. Si les choses étaient demeurées en l’état les cinq prochaines années, M. Smith aurait pu arrêter de travailler à 60 ans et toucher 15 312 livres par an. Malheureusement, au 15 novembre, son pécule ne valait plus que 211 000 livres. La récession qui s’annonce ne lui permet pas d’espérer, à court terme, un rebond de forte ampleur. Et même si le marché des actions se remettait à croître de 5 % par an pendant les cinq prochaines années, il toucherait, à cet horizon, une retraite de 10 000 livres par an.

Les 3,5 millions de Britanniques qui travaillent dans le privé et qui ont la chance de cotiser à un fond de pension à « prestation garantie » ont aussi du souci à se faire. Ce régime leur assure une retraite en fonction de leur salaire et de leur durée de cotisation. Dans le cas le plus fréquent, ils touchent deux tiers de leur salaire au bout de quarante ans. Or leurs économies ont elles aussi été placées en Bourse, et les entreprises risquent de se trouver dans l’incapacité de faire face à leurs obligations.

C’est ce que montre le rapport de novembre du Pension Protection Fund (PPF). L’organisme public, qui garantit 7 800 fonds à prestation garantie, affirme que 6 468 d’entre eux sont en déficit et que, au total, celui-ci atteignait 122,1 milliards de livres fin octobre, contre 113,5 milliards fin septembre et 36,9 milliards en octobre 2007.

Certes, le PPF garantit les retraites de ces fonds, qui se sont raréfiés au fil des années et qui sont aujourd’hui le plus souvent fermés aux nouveaux entrants dans l’entreprise. Mais, pour les salariés encore en poste, le PPF ne reprend que 90 % des retraites qu’ils sont censés recevoir, avec un maximum de 27 770 livres par an. Dans le cas des salariés de feu Lehman Brothers, par exemple, ce plafond était souvent très inférieur à ce pour quoi ils avaient cotisé. Dans ce contexte, les rares entreprises qui offrent encore ce type de fonds de pension cherchent à alléger leurs obligations. Ainsi, British Telecom, qui vient d’annoncer la suppression de 10 000 postes d’ici à mars 2009, veut-il allonger de cinq ans la durée de cotisation pour ses futurs employés et prendre comme référence, pour le calcul de la retraite, le salaire moyen plutôt que le salaire en fin de carrière.

Reste la fonction publique, qui emploie près de 5,8 millions de personnes. En théorie, la crise actuelle ne change rien pour les serviteurs de l’Etat, aujourd’hui les mieux lotis au Royaume-Uni : ils ne versent aucune cotisation et ils reçoivent en moyenne deux tiers de leur salaire au sortir de leur vie professionnelle. Pour cela, les contribuables ont versé, en 2007, 20 milliards de livres quand leurs cotisations pour leur propre retraite se sont élevées à 17 milliards de livres. La crise pourrait aussi faire éclater un consensus social de plus en plus critiqué.

Pour toucher 10 000 livres par an à la retraite, a calculé Ross Altmann, ancien conseiller de Tony Blair sur les retraites, un salarié du privé qui gagne 25 000 livres par an et consacre 7 % de son salaire à un fonds à contribution définie doit travailler quarante-six ans. S’il était fonctionnaire, il pourrait s’arrêter au bout de vingt-quatre ans.

Pendant longtemps, cette situation a été acceptée parce que les salaires du public étaient très inférieurs à ceux du privé. Mais après douze ans de gouvernement travailliste, ce n’est plus le cas. Selon l’Office national des statistiques, en 2007, un fonctionnaire gagnait en moyenne 25 896 livres par an et un salarié du privé 22 828 livres.

Virginie Malingre