Argentine : Une victoire historique pour les femmes
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Les féministes ont eu gain de cause mais appellent à la vigilance, car les pressions religieuses restent tenaces au pays du pape.
Une femme à la crinière blanche comme neige observe les manifestantes de la place du Congrès, en plein centre de Buenos Aires. Il est près de 16 heures quand Nelly Minyersky pénètre dans le palais législatif argentin. La chaleur de l’été austral mais surtout le contexte de la pandémie ont forcé cette pionnière du mouvement féministe argentin à la prudence. (Politis)
La longue marche des féministes latinas
Malgré la victoire historique des Argentines, l’immense majorité des femmes d’Amérique latine n’ont droit qu’à un régime d’avortement toléré, voire interdit.
La ténacité des militantes argentines peut laisser croire que le pays vient enfin d’effacer un retard dans le monde latino. Il n’en est rien. Il vient seulement de rejoindre Cuba (depuis 1965), l’Uruguay, le Guyana, les États mexicains de Oaxaca et de Mexico, où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est devenue un droit des femmes. Si les pays radicalement « anti-IVG » restent tout aussi minoritaires (Salvador, Haïti, Honduras, Nicaragua, République dominicaine), l’immense majorité des femmes latinas n’ont droit qu’à un régime d’avortement toléré sous des conditions qui le leur rendent souvent inaccessible. Au Brésil, au Mexique (en presque totalité), en Colombie… elles doivent démontrer un risque pour leur vie ou leur santé, l’existence d’un viol ou d’une malformation fœtale. Faute de moyens pour avorter dans un pays qui l’autorise, elles en sont réduites aux risques d’une intervention clandestine. L’interdiction de l’IVG sanctionne avant tout les pauvres.
La victoire des Argentines est cependant historique. Car elle donne l’espoir de faire basculer à terme un monde latino pavé des mêmes obstacles (patriarcat exacerbé, conservatisme parlementaire, poids des Églises), qui abrite aussi les mouvements féministes parmi les plus combatifs de la planète. La mobilisation des femmes a été au cœur d’une révolution citoyenne au Chili, il y a un an, dont le souffle a dépassé les frontières du pays. À Bolsonaro, affirmant qu’il n’autoriserait jamais l’avortement au Brésil, la députée argentine Ofelia Fernández a rétorqué : « Méfie-toi, la force féministe latino-américaine au Brésil s’ajoute à la rage pour Marielle Franco », l’emblématique militante assassinée en 2018.
L’Argentine légalise l’avortement après le feu vert du Sénat, à majorité conservatrice
Deux ans après un premier rejet des parlementaires, dans un pays très divisé sur la question, le texte autorisant l’IVG a été adopté mercredi. Chaque année en Argentine, 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications lors d’avortements clandestins.
Le Monde avec AFP
Les sénateurs argentins ont adopté, mercredi 30 décembre, un texte légalisant l’avortement dans le pays sud-américain, très divisé sur la question. L’Argentine rejoint ainsi Cuba, l’Uruguay, le Guyana, la ville de Mexico et l’Etat mexicain d’Oaxaca, seuls à autoriser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans conditions en Amérique latine.
Déjà approuvé par les députés le 11 décembre, le texte autorise l’IVG pendant les quatorze premières semaines de grossesse. Jusqu’ici, l’avortement n’était permis qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, en vertu d’une loi de 1921. Selon le gouvernement, entre 370 000 et 520 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dans le pays de 44 millions d’habitants, où 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications lors d’avortements clandestins.