Fexibilité du travail et précarité

Jeudi, 12 Février, 2004 L’Humanité
jeudi 7 septembre 2017
par  SUD Éduc

Petit dico des idées reçues

Selon le ministre des Affaires sociales, face au chômage toujours à la hausse, il n’y aurait qu’à espérer un retour rapide de la croissance, tel le paysan du Sahel implorant le ciel contre la sécheresse, et, dans l’attente, il n’y aurait rien de plus urgent que de flexibiliser le marché du travail. Car les mauvais résultats de la France en matière d’emploi tiendraient à sa législation sociale trop protectrice, trop « rigide », à la « lourdeur » et la « complexité » du Code du travail. Tel est le présupposé du rapport Virville qui prescrit un assouplissement des conditions d’embauche et de licenciement, par le biais, notamment, du « contrat de mission ». Cette thérapie permettrait, nous dit-on, de lever des obstacles au recrutement chez les patrons. M. Fillon serait cependant bien en peine de produire la moindre étude démontrant qu’une forte protection des salariés est facteur de chômage. Les derniers chiffres de l’emploi montrent, au contraire, que c’est le fort niveau de contrats précaires (plus de 7 embauches sur 10 se font sous cette forme) qui, en 2003, a alimenté la hausse du chômage : la majorité des entrées à l’ANPE sont consécutives à des fins de CDD ou de contrat d’intérim. En réalité, avec la flexibilité, gouvernement et MEDEF cherchent à diminuer encore le coût du travail. Ils poursuivent un objectif aussi vieux que le capitalisme lui-même : renforcer le caractère marchand du travail en plaçant les salariés dans une situation toujours plus défavorable, face à l’employeur, pour négocier leurs conditions d’emploi, comme de « départ », de salaire et de développement de carrière... Cette précarisation ne rend pas seulement la vie des hommes et des femmes de plus en plus difficile, en les privant - en particulier les jeunes - du droit de faire des projets. Elle sape aussi l’efficacité économique, sur un double plan. En pesant sur les salaires et les droits sociaux, on étouffe la consommation populaire, principal moteur de la croissance. D’autre part, comment soutenir sérieusement qu’un pays, des entreprises puissent bâtir un développement durable avec des salariés « jetables » au moindre coût, mis dans une situation d’instabilité, d’inquiétude pour le lendemain, telle qu’ils ne peuvent s’investir dans leur travail ?

Yves Housson